Saint-Estèphe

Beau village viticole 

Lorsqu’on arrive par le Sud, laissant derrière soi la commune de Pauillac, deux routes s’offrent aux visiteurs pour joindre Saint-Estèphe : celle de l’intérieur dite ‘route des châteaux’ et celle de l’estuaire communément appelée ‘la route du fleuve’. Les deux sont une invitation au voyage. La route du fleuve est la seule route du Médoc qui longe le bord de l’Estuaire sur plus de 8kms. Le fleuve y dégage une telle sérénité qu’il semble l’avoir transmis aux vignes qui le contemplent. Seule sa lente respiration au cours des marais nous rappelle qu’il est bien vivant et on a du mal à imaginer qu’il fut il y a des millénaires un fleuve terrible, charriant avec violence les galets et cailloux arrachés aux lointaines montagnes des Pyrénées et du Massif Central. Le vignoble de Saint-Estèphe est le fils du fleuve, telle est l’histoire du médoc que l’on peut comprendre en empruntant cette route du fleuve.

Par la route du fleuve

L’ambiance des bords de l’estuaire est particulière et marque l’esprit des lieux. Le matin le fleuve se couvre d’une brume légère qui s’évapore doucement. Ses eaux reflètent la couleur changeante et contrastée du ciel, tantôt bleue, tantôt grise aux nuances dorées. Ses berges sauvages abritent les cabanes en bois des pêcheurs de crevettes. Juchées sur de longs pieux en acacia et équipées de carrelets élégants, ces cabanes pratiquent un pêche au hasard que seules les marais rythment. Les amoureux de la nature s’y retrouvent pour passer un moment de convivialité.

C’est en se promenant sur cette route de l’estuaire que le promeneur peut percer les secrets du paysage viticole de Saint-Estèphe. Des berges, son regard traverse les prairies de palus et voit apparaître en deuxième plan la naissance des croupes graveleuses où se dressent les châteaux. 

La rivière rappelle que le vignoble de Saint-Estèphe est né  du fleuve, de ses apports, de son influence sur le climat, de son rôle dans le transport et le négoce du vin. Nulle part ailleurs que sur les bords de l’estuaire il y a autant d’interdépendance entre les sols et les hommes.

Par la route de châteaux

Toujours en venant du sud mais en empruntant l’autre route, celle de l’intérieur, on franchit Saint-Estèphe par une dépression ‘la jalle du Breuil’ où coule un ‘estey’, sorte de petit ruisseau qui sert de frontière naturelle entre Pauillac et Saint-Estèphe. Cette route qui traverse les hameaux de l’appellation offre un paysage viticole des plus harmonieux. On y découvre les châteaux aux styles variés, la pierre blonde, les grilles et les rangs de vigne partout alignés au cordeau.

Visite du Village à travers ses hameaux aux noms chargés d’histoire.

Saint-Estèphe possède une vingtaine de hameaux ou villages. Pour une description complète, partons de la route du fleuve qui ici sert de base à un demi cercle dont le centre est Meyney et remontons à l’intérieur du sud au nord, dans le sens des aiguilles d’une montre.

Meyney, situé au bord de l’estuaire à l’emplacement actuel du château du même nom est sans doute le berceau du vignoble de Saint-Estèphe. La viticulture remonte probablement à l’époque gallo-romaine. On sait qu’au 13ème siècle un prieuré existait déjà et vivait en autarcie en cultivant céréales et vignes. La ‘maison de Coley’ appartenait alors à la seigneurie de Calon, une des plus vastes et des plus anciennes du Médoc. Puis au 17ème siècle, les moines de l’ordre religieux des Feuillants mirent en valeur les terres et développèrent le vignoble qui fut l’un des pionniers de la viticulture moderne.

Le lieu-dit Montrose est représenté à lui seul par l’un des joyaux de l’appellation, le château Montrose, grand cru classé. A l’origine une terre de landes couvertes de bruyères roses dite ‘la lande de l’Escargeon’ occupait le vignoble actuel. Le terme ‘Mont’ rappelle la morphologie en croupe de graves. Les sols de Montrose se sont révélés excellents pour la culture de la vigne. Le terroir complexe présente un sous-sol de sable et d’argile surmonté de grosses graves.

Toujours dans le sens des aiguilles d’une montre

et un peu plus au Sud, les hameaux de Marbuzet 

et German forment un grand village comprenant 

une partie haute ’Marbuzet’ et une partie basse 

‘German’. Le nom de Marbuzet est semble t’il 

d’origine latine « marga » signifiant marne et « buxea » 

entouré de bois. Les sols sont graveleux et argilo-

calcaire. Les châteaux de ce hameau sont Marbuzet, 

La Croix de Marbuzet, Haut-Marbuzet et Le Crock. 

Dans le village, le chemin de la fontaine aboutit à 

l’une des plus belles fontaines de la région.

Un peu plus au sud, en bordure de la D2 appelée ‘route des châteaux’, le village de Cos marque l’entrée dans l’appellation Saint-Estèphe. Cos qui s’écrivait ‘Caux’ jusqu’au 19ème siècle, signifie en vieux gascon ‘la colline de cailloux’ et rappelle la morphologie et la composition de ce terroir exceptionnel. Une dépression très marquée, appelée ‘la jalle du Breuil’ sépare les vignobles de château Lafite-Rothschild de ceux de Cos d’Estournel et permet un excellent drainage avec un écoulement naturel des eaux. Sur le village de Cos on trouve deux grands crus classés: le château Cos d’Estournel étonnant par son style exotique, sorte de temple indien consacré au vin et le château Cos Labory à la façade cossue et bourgeoise qui appartient depuis plusieurs générations à des stéphanois, la famille Audoy. 

En continuant sur la D2, on peut admirer le grand plateau graveleux de Cos se prolongeant jusqu’à Rochet, dont la signification rappelle les ‘roches’ c'est-à-dire les graves qui recouvrent son sol. A cet endroit le revêtement d’une belle couleur jaune ocre des murs de la bâtisse et des chais du château Lafon-Rochet, grand cru classé, attirent l’œil du visiteur.

Face à Rochet, on trouve le village de Blanquet dont le terroir comme son nom l’indique se caractérise par une couleur blanche par endroit provenant des calcaires et des alluvions graveleuses qui le composent. C’est à Blanquet que se trouvait l’ancienne gare de Saint-Estèphe aujourd’hui désaffectée. On croise dans ce village le château Andron-Blanquet.

En continuant notre ronde, mais plus à l’ouest on arrive au lieu-dit de Ladouys occupé par le château Lilian Ladouys. On trouve trace de ‘La doys’ dès le 16ème siècle. Le sol de cette partie géographique de l’appellation est composé d’alluvions sablo-graveleuses mélangées en profondeur à des marnes et calcaires argileux.

Toujours à l’ouest mais en remontant et situé aux confins avec la commune de Cissac, se trouve le hameau de l’Hôpital de Mignot. L’origine de son nom remonte aux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui avaient construit une chapelle pour accueillir pèlerins et voyageurs. Ce hameau a la particularité de culminer à 30 mètres d’altitude. Sur un plan lithologique il se place à la jonction de terroirs différents, on y trouve aussi bien une formation argilo sableuse que des marnes et argiles de l’oligocène, des calcaires en bancs massifs, des marnes et calcaires lacustres, des calcaires argileux ou des sables de fond de vallée. Les châteaux Martin, Haut-Laborde et Coutelin-Merville se situent à cet endroit. Dans le prolongement se trouve le lieu-dit de Coutelin avec le château Haut de Coutelin.

Plus au nord on arrive au hameau de Aillan  où se trouve le château Sérilhan. Parmi les quatre fontaines de la commune celle du Aillan a été bâtie pour servir de lavoir et a encore une source qui coule et l’alimente.

Puis l’Hereteyre qui signifie ‘terre de fer’ en gascon ancien rejoint le hameau de Pez qui compte plusieurs châteaux dont Petit-Bocq, de Pez, Ormes de Pez, et Tour de Pez. L’origine du mot ‘Pez’ vient de ‘pès’ qui signifie pied romain. Ces hameaux sont  situés sur des sols graveleux et calcaires argileux.



Le village le plus au nord de Saint-Estèphe, traversé par la D2 est celui de Saint-Corbian. On peut y admirer un pigeonnier ancien et une fontaine. Situé sur des sols graveleux, puis sablo-graveleux et calcaires argileux, Saint-Corbian est séparé de sa commune voisine, Saint-Seurin de Cadourne par le chenal de Calupeyre, qui se prolonge jusqu’à Saint-Germain d’Esteuil et par lequel on peut accéder au site gallo-romain de Brion, qui serait peut-être la fameuse cité romaine disparue, Noviamagus. Saint-Corbian était autrefois une île entourée par les eaux du vaste marais de Reysson. Son nom viendrait de ‘courbian’, qui voudrait dire ’fin des marais’. On trouve dans ce village les châteaux Tour des Termes, Beau-Site Haut-Vignoble, Haut-Coteau, Beau-Site et plus au nord Le Boscq.

En redescendant vers le bourg de Saint-Estèphe on arrive à Calon, un site ancien occupé par le grand cru classé de l’appellation, château Calon-Ségur. ‘Calon’ viendrait de Calonès qui signifierait ‘petits vaisseaux ou chaloupes portant du bois’. Il est très probable que cette signification soit liée à l’époque de la navigation dans le chenal qui traversait le grand marais de Saint-Corbian et bordait la paroisse. La maison noble de Calon était au Moyen-âge un important fief. Au 17ème siècle la riche famille des Ségur scella son nom à l’histoire de ce cru et notamment Alexandre de Ségur surnommé ‘le prince des vignes’ qui régna entre autres  sur Lafite et Latour. La bâtisse ancienne et son vignoble graveleux et vallonné, protégé par des longs murs de pierre, constituent un site exceptionnel près du bourg.

Le bourg est composé essentiellement de maisons en pierre. Sur la place on découvre la sublime église baroque rebâtie au 18ème siècle. Le bourg proprement dit contient une cinquante de maisons, pour la plupart de style 19ème et l’église paroissiale avec sa petite place fermée. Autour d’elle se dessinent cinq quartiers : Garamey, Lacroix, Picard, Canteloup et Fontaugé. On y trouve les châteaux Valrose, Domeyne, Haut-Beauséjour, Picard, Bel-Air, Capbern Gasqueton, et un peu plus à l’est au lieu-dit de Garamey, le château Phélan-Ségur .

Plus à l’intérieur, le lieu-dit Lalande repose sur des sols graveleux et est occupé par le château Tronquoy-Lalande. On remarque la couleur orangée du sol qui lui vient de la composition de ses graves.

Un peu plus à l’ouest, le lieu de Carcasset où l’on croise le château Laffitte-Carcasset, occupe le centre du plateau graveleux de Saint-Estèphe.

Nous bouclons notre demi-cercle avec le quartier du Port qui à ce jour n’a plus d’activité. Le château Ségur de Cabanac et son vignoble de graves font face à l’estuaire avec quelques autres bâtisses. Un bar restaurant, une aire de repos et pique-nique permettent à la belle saison, soit de prendre un pot soit de déjeuner en regardant passer les bateaux.

Autrefois cet endroit s’appelait la Chapelle aujourd’hui renommé ‘les allées marines’. Les bateaux et les pêcheurs y faisaient dire leur messe. C’est un lieu paisible. Une fois par an s’y déroule, la traditionnelle « foire à la chapelle » qui trouve ses origines au Moyen âge. On y trouve de tout, aussi bien un bleu de travail, un ticket de manège ou des sachets de berlingots que des voitures, tracteurs ou des vins à déguster. Traditionnellement, elle s’appelle la foire de l’ail et de l’oignon et a lieu autour du dimanche de la Nativité de la Vierge début septembre. Au port de la Chapelle, vous aboutissez ainsi derrière le hameau du port, à la hauteur d’un ancien moulin qui rappelle l’importance de l’activité de cette région avant que la vigne n’ait pris son essor.

2010  - Ouvrage réalisé pour le Syndicat Viticole de Saint-Estèphe

Cdic Communication

Conception et rédaction: Catherine di Costanzo

Création graphique: Virginie Obrensstein 

Photos: Christian Braud

Visuel couverture: Christian Braud et Claire Guiral

Illustrations: Vincent Duval

Clichés: archives municipales de Bordeaux, photos Bernard Rakotomanga

Carte: "lithologie Pierre Becheler", géographisme: Jean-François Dutilb

Traduction anglaise: Carine Bijon

Les vendanges d'antan

C’était comment les vendanges au début du XXe siècle? 

La cueillette se fait en commun et constitue une occasion de sociabilité, voisins et familles entières, tout le monde des grands-parents aux enfants y participe. Comme aujourd’hui c’est un événement important de la vie rurale qui s’accompagne de nombreuses fêtes. Mais à cette époque, la cueillette des grappes est assurée essentiellement par les femmes assistées par les enfants, tandis que le transport est l’affaire exclusive des hommes qui réalisent ensuite tout le processus de vinification !


(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel.

Château Laffitte Carcasset - Carte postale, début 20e siècle (collection particulière)

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